L’édition 2016 du Forum Afrique, organisé par Le Moci en partenariat avec le Cian (Conseil français des investisseurs en Afrique) sur le thème «Villes africaines : nouveaux pôles de dynamisme et d’innovation », a enregistré un nouveau record d’affluence en réunissant, le 5 février plus de 800 participants au siège parisien de la CCI de région Paris Ile-de-France, partenaire de l’événement, qui marquait la publication du Rapport Afrique 2016 du Cian, co-réalisé et édité par Le Moci.
Pour cette nouvelle édition, la salle des lustres de l’hôtel Potocki, pouvant accueillir jusqu’à 550 places assises (notre photo), a fait salle comble. Les autres participants ont pu suivre la retransmission live du Forum Afrique depuis deux autres auditoriums ouverts sur place.
En ouverture du Forum, Alexandre Vilgrain, qui préside le Cian, n’a pas occulté la situation sécuritaire du continent en proie aux menaces de groupes terroristes, mais s’est voulu néanmoins optimiste quant aux opportunités pour les investisseurs et entrepreneurs français en s’adressant aux dirigeants d’entreprises et d’institutions françaises présents dans l’assistance. « L’Afrique, a-t-il lancé, c’est aussi un taux de croissance de 5 %, et une natalité !». En dépit de la chute brutale des cours du pétrole, le continent continue d’afficher une croissance économique robuste. Quant à l‘explosion de la démographie, elle constitue un défi pour les années futures. « 50 bébés naissent par minute en Afrique ! », a renchéri le président du Cian. À l’avenir, le continent assistera à la naissance de gigantesques mégalopoles. Actuellement, trois métropoles africaines dépassent les 10 millions d’habitants : Le Caire, Lagos et Kinshasa.
« Depuis trois ans maintenant, la note globale du continent est plutôt stable »
Alix Camus, directrice du Cian, a présenté pour sa part les faits marquants de la 27ème édition du baromètre du climat des affaires, résultats d’une enquête annuelle du Cian sur les performances des entreprises françaises et le climat des affaires en Afrique, menée en 2015 dans 34 pays du continent auprès des opérateurs de terrain. En 2015, 645 dirigeants d’entreprises ou filiales de groupes français ont répondu à cette enquête, ce qui est un record.
« Depuis trois ans maintenant, la note globale du continent est plutôt stable », a délivré Alix Camus. La note générale d’appréciation demeure en dessous de la moyenne en 2015 et s’établit à 2,39 sur 5. Elle reste identique à 2014. Plusieurs critères sont évalués : infrastructures, administration, économie et finance, développement durable… Le Maroc obtient la meilleure évaluation : 3,48 sur 5. La République centrafricaine (RCA) affiche le plus mauvais score : 1,59 sur 5.
De manière générale, beaucoup de points faibles (systèmes de formation, efficacité de l’administration, fraude douanière…) relevés par les investisseurs ayant répondu à l’enquête constituent de « gros obstacles au développement des affaires », estime Alix Camus. La corruption et l’inefficacité de l’administration pèsent sur le climat des affaires et demeurent les principaux freins à l’attractivité de l’investissement.
« Sur 2015, la moitié des entreprises (49 %) a affiché un chiffre d’affaires en croissance »
S’agissant de l’activité des entreprises françaises implantées en Afrique, elle reste dynamique alors que, selon la directrice du Cian, « la croissance africaine a marqué le pas en 2015» avec 3,7 en Afrique subsaharienne (4,6 % en 2014). L’activité des entreprises n’a pas été affectée directement par ce ralentissement : « sur 2015, la moitié des entreprises (49 %) a affiché un chiffre d’affaires en croissance », soulignait ainsi Alix Camus, relevant aussi que 58 % des entreprises prévoient une croissance de leur chiffre d’affaires pour 2016.
En ce qui concerne l’amélioration de l’environnement des affaires, le chantier sera long. « Il n’y aura pas de progrès demain », juge le Cian, qui croit toutefois à l’amélioration du climat des affaires sur le long terme, et se montre plus optimiste au regard de la croissance africaine « qui reste l’une des croissances les plus attractives au monde ». Le marché africain présente de surcroît des secteurs porteurs dans le domaine de l’urbanisation (infrastructures, eau, grande distribution…), des opportunités sont donc à saisir. Cependant, les investisseurs français ne doivent pas « minimiser le risque africain ». Ils ne doivent pas aller seuls sur ce marché, mais être accompagnés (Cian, Medef, Business France, CCI, CCE) et privilégier des partenaires locaux, a ainsi prévenu le Cian.
« On assiste à un boom extraordinaire de la population urbaine »
« On a une véritable explosion, à la fois démographique, et plus particulièrement de la population urbaine », a indiqué pour sa part Thierry Apoteker, président et fondateur du cabinet de conseil et de recherche économique, spécialiste des pays émergents TAC Economics, qui dressait en chiffres un état des lieux de l’urbanisation du continent et des investissements en la matière. « On assiste à un boom extraordinaire de la population urbaine », a-t-il ajouté.
« Aujourd’hui, 470 millions d’Africains vivent dans des villes », renseignait Thierry Apoteker pour appuyer son analyse. Surtout, fait notable, dans dix ans, 210 millions d’Africains supplémentaires vivront en ville. Les enjeux sont donc majeurs en matière d’investissements et d’opportunités pour les entreprises.
Toutefois, il existe des disparités selon les régions. L’Afrique australe est ainsi confrontée à une urbanisation avancée, avec 61 % des habitants qui vivent en zone urbaine, tandis qu’en Afrique de l’Est, seule 25 % de la population habite dans des villes. Dans cette région, « trois-quarts de la population est rurale » renseignait l’économiste.
Autre constat, un phénomène de migration apparaît dans « les zones rurales déconnectées de la sphère marchande ». La population africaine a tendance à s’éloigner des zones reculées pour aller vers des zones rurales moins reculées. Parallèlement, les habitants des villes moyennes se déplacent vers des villes plus importantes. « Cette transition démographique est une chance ! » a souligné Thierry Apoteker. Elle représente en effet un potentiel de croissance, mais des défis colossaux, notamment en matière d’infrastructures (réseau autoroutier, réseau de distribution d’électricité, accès à l’eau).
Mais des besoins en infrastructures
Plus de la moitié de la population africaine aujourd’hui n’a pas accès à l’eau courante du fait d’un manque crucial d’infrastructures. En Afrique de l’Ouest, dans la région des lacs, il y a une absence totale d’électrification, ce qui crée « des obstacles majeurs sur le processus de développement urbain », a avancé Thierry Apoteker.
En outre, les investisseurs se montrent encore réticents à engager des projets en dehors des centres urbains déjà existants.
« L’Afrique a besoin d’attirer des investissements dans le domaine du développement urbain », a conclu Thierry Apoteker. Les entreprises françaises seront-elles au rendez-vous de ce boom des nouveaux marchés urbains ? A suivre dans notre prochain article.
Venice Affre